Ken Uston - Le Maître du Blackjack

Ken Uston

Ken Uston, new-yorkais diplômé en sciences économiques à l'université de Yale, découvre le Blackjack « scientifique » vers 1973. Il a alors une trentaine d'années et est vice-président d'une importante société d'import-export.

Le livre sur le comptage des cartes au Blackjack « Hi. Opt. II » est alors ce qu'il y a de mieux sur le marché. Il achète la méthode, l'apprend et la met en pratique. Il s'en sort très bien mais, au fur et à mesure qu'il exploite le système, il acquiert la conviction que « Hi. Opt. II » peut être considérablement améliorée.

Sa conviction est telle qu'il charge trois informaticiens de creuser la question. Ken Uston n'a que faire des grands théoriciens et, contrairement à tous les auteurs de théories sur le Blackjack, il n'a nullement l'intention de se lancer dans l'édition ou le commerce de méthodes de comptage. L'argent, c'est aux casinos qu'il veut le prendre et un maximum !

En quelques mois, les informaticiens aboutissent. La méthode dont ils accouchent est ultra-performante mais, avec trois niveaux de comptage, elle est aussi extrêmement compliquée à maîtriser. Qu'à cela ne tienne, le jeu en vaut la chandelle et Uston travaille d'arrache-pied et s'entraîne durant plusieurs mois. Lorsqu'il sent qu'il a acquis le niveau de maîtrise voulu, il retourne au tapis. Les résultats sont au-delà de toutes ses espérances et les dollars rentrent à flot.

A peine l'euphorie de la réussite passée, Uston prend alors conscience de sa vulnérabilité. La méthode est excellente mais il sait qu'il ne pourra pas l'exploiter ad vitam aeternam. Même s'il ne sera pas éjecté ouvertement des casinos, ces derniers lui mettront bientôt tellement de bâtons dans les roues qu'il devra lui-même jeter l'éponge. Il prend alors un peu de recul pour penser le problème.

Il n'y voit qu'une solution : puisque le temps d'exploitation sera inévitablement limité, il faut multiplier les sources de revenus. Autrement dit, créer une équipe de compteurs appliquant sa méthode. Les candidats ne manquent pas. Seulement entre vouloir et pouvoir appliquer sa méthode, il y a un pas que très peu de joueurs peuvent franchir. Ici, il est nécessaire de faire une petite parenthèse pour bien saisir la suite de l'histoire. La méthode de comptage de Ken Uston se compose de trois stratégies.

1- Une stratégie de base qui dicte toutes les règles de tirage.

2 - Un principe de comptage ou toutes les cartes sont prises en compte avec des valeurs tantôt positives, tantôt négatives.

3 - Une stratégie financière (évolution des mises) assortie de modification des règles de tirage en fonction de l'« état» du sabot (positif, super-positif, négatif, super-négatif).

Pour en revenir à notre récit, c'est le point 2 qui rebute la grande majorité des candidats. Il suffit d'une ou deux semaines pour maîtriser parfaitement la « Basic Strategy » et la stratégie financière mais le principe de comptage est vraiment trop compliqué.

Devant l'impossibilité de former des compteurs « humains » à son image, Uston a alors l'idée de génie de se tourner vers l'électronique et l'informatique. Il fait donc fabriquer des compteurs électroniques. Il conçoit des appareils de manière à ce que le joueur transmette le compte de cartes via un mini-clavier (4 touches suffisent) qui pourra aisément être dissimulé en poche. Quant aux signaux annonçant la « chaleur » (selon sa propre expression) du sabot, ils seront perçus par impulsions électriques. Comme ces impulsions ne peuvent être que très faible intensité puisque le matériel est portatif et fonctionne donc sur pile, les électrodes devront impérativement être apposées sur une partie très sensible du corps. Après de nombreux essais, il s'avère que seules les parties les plus nobles de la gent masculine sont aptes à recevoir ces impulsions de manière fiable !

L'appareil fonctionne parfaitement ainsi et Uston en fait fabriquer une douzaine. Il recrute alors une cinquantaine de joueurs et structure son organisation de façon suivante :

Ses collaborateurs sont classés en trois catégories. D'abord, des joueurs « normaux » qui connaissent sur le bout des doigts la Basic Strategy et toutes les règles de tirages après comptage. Ces joueurs ne disposent pas de compteur électronique. Leur rôle est d'occuper toutes les places de la table où se trouve un « counter » (joueur muni d'un appareil de comptage).

Outre les joueurs « normaux » et les « counters », une troisième catégorie de partenaires est composée de « Big Players » (gros joueurs). Les Big Players ne s'asseyent jamais à table et attendent les signaux envoyés par les « Counters ». Ils interviennent dans le jeu lorsqu'il s'agit de miser gros (donc lorsque le sabot devient très chaud).

Le protocole est aussi simple qu'ingénieux. Les joueurs normaux et les counters occupent toutes les places d'une table et jouent tous de la même manière (basic strategy) et au minimum de la table. Ce faisant, il est impossible que l'un ou l'autre flambeur, étranger à l'équipe, ne viennent interférer dans le cours du jeu.

Dès que le counter reçoit une impulsion électrique annonçant une portion de sabot exploitable, il fait un signe conventionnel au big player qui n'est jamais fort loin de la table. Celui-ci vient alors poser les grosses mises requises par la stratégie financière de la méthode. Le big player reste à table (en « créneau », debout derrière les autres joueurs) jusqu'à ce qu'il reçoive un nouveau signal du counter indiquant la fin de la phase exploitable.

Million Dollard Blackjack

Pour noyer le poisson encore un peu plus, les big players ne sont pas attachés à une table bien précise mais tournent de table en table (l'équipe de Uston occupait parfois jusqu'à six tables dans le même casino).

De 1975 à 1980, Uston et ses associés font véritablement des ravages partout où ils passent (principalement à Reno et à Las Vegas). Bien évidemment, même avec une organisation aussi intelligemment et aussi minutieusement réglée, les patrons de casinos ont fini par comprendre. A plusieurs reprises, certains des associés de Uston sont même arrêtés par la police et, lorsqu'il s'agit de counter, le matériel électronique est saisi et les joueurs interdit d'accès aux casinos. Sans parler des parts de ses associés, en cinq ans, Ken Uston a amassé plus d'un million de dollars et, voyant que la belle aventure touche à sa fin, il décide, en une espèce d'ultime bras d'honneur aux casinos, de publier sa méthode ainsi que le récit de ses exploits. « Million Dollar Blackjack » est le titre de son livre qui sort pour la première fois en mars 1981.
Scroll to Top